Article initialement publié en 2016
Le mercato hivernal version 2016 a été marqué par de nombreux départs de joueurs européens et brésiliens vers la Chine. Dans un précédent article, nous avions évoqué la volonté du football chinois de se développer et de hausser le niveau du championnat grâce à l’apport de l’agent portugais Jorge Mendes. Les derniers transferts ont prouvé que ce n’était pas des paroles en l’air.
Parti en Chine en janvier 2015, après trois ans passés sur le banc des Girondins de Bordeaux, Francis Gillot a mis un terme à son aventure dans le football chinois pour raisons familiales, avec une petite pointe de regrets. « Je suis à un âge où ma famille passe avant ma carrière », explique-t-il. Son parcours en Chine, aux commandes du club Greenland Shenhua de Shangaï, ne lui a laissé que de bons souvenirs…
Pour agentfootball.fr, Francis Gillot revient sur son passage en Chine, une destination en vogue pour les footballeurs en fin de carrière. Mais le Nordiste tient à briser les clichés : la Chine n’est pas seulement un challenge financier, le championnat y est relevé et ambitieux, et les infrastructures de qualité.
L’histoire d’une rencontre avec le football chinois.
« J’ai été contacté par un agent sportif français qui était en relation avec un homologue chinois. Il cherchait un entraîneur pour le club de Shenhua. Au départ, je n’étais pas plus chaud que ça, j’avoue. Et puis ils m’ont rappelé et je suis allé rencontrer le président en Espagne. Ils avaient plusieurs entraîneurs sur leur liste, j’ai passé un oral en fait, qui s’est plutôt bien déroulé. Par la suite, je suis allé trois jours à Shangaï et j’ai découvert l’équipe dirigeante ainsi que les structures. Au final, ça s’est fait naturellement, au fil de mes rencontres et des échanges. Et cela s’est confirmé par la suite : les personnes qui m’ont séduit dès le départ m’ont toujours soutenu ensuite. Au niveau relationnel, j’ai vécu quelque chose de fort, j’en suis vraiment très content ».
« Après neuf ans en Ligue 1, il y avait une petite usure »
« Le recul, on l’a pris pour moi en fait. Je n’avais pas de propositions intéressantes. Pourtant, mon bilan à Bordeaux était bon selon moi. Certaines choses m’ont desservi et les présidents français ne se sont pas bousculés pour m’appeler. La saison a commencé en France, j’ai été contacté au mois d’octobre par les Chinois pour un démarrage en janvier. J’ai eu quelques mois pour me reposer, me ressourcer, je trouvais le timing plutôt bon. Après neuf ans en Ligue 1, il y avait une petite usure. Après, quand on n’a pas trop le choix, on prend ce qui vient. Mais pour le coup, je n’ai pas regretté ».
Un vrai challenge sportif
« Il y avait 5 clubs plus forts que nous, on m’a demandé de finir derrière eux. On a terminé 6e du championnat et on a disputé la finale de la coupe. On faisait de bons matchs à domicile, dans un stade de 30 000 places. Ce n’était pas le plus grand mais on était entre 25 et 30 000 supporters à chaque match. Avec une grosse ambiance, des supporters proches de la pelouse. Ils chantaient la Marseillaise avant chaque rencontre, et avant l’hymne chinois. Le tout dans une atmosphère sereine, pas du tout belliqueuse. Chez les clubs du Top 5, les stades font entre 40 et 60 000 places et sont quasiment pleins à chaque fois. Le public chinois est très passionné. Ils aiment beaucoup le foot. J’ai vu qu’ils jouaient beaucoup au golf mais le foot est leur première passion. Pour les parents, le sport n’est pas trop la priorité, c’est d’abord l’école. Ils veulent que leur enfant, unique à l’époque, réussisse ses études. Donc même quand un gamin est doué pour le foot à 13-14 ans, ils ne le laissent pas se concentrer sur le sport. Ça peut être un frein pour l’explosion des jeunes talents chinois ».
« Pour moi, le champion de Chine serait derrière le PSG ici. Ce n’est pas une petite équipe ! »
Des structures de qualité
« Au niveau des structures, tout a été refait. J’ai vu les vestiaires qu’ont occupés Drogba et Anelka, je peux vous dire que ça ne donnait pas envie. L’an dernier donc, tout a été refait à neuf, y compris les chambres dont on dispose au club pour les jours où on a deux entraînements. On avait une dizaine de terrains, une piscine… Et puis, le président est un mec extra. Il possède une grande chaîne d’hôtels, Greenland. Au quotidien, j’avais trois adjoints dont deux Français, un staff médical compétent et un traducteur qui me suivait tout le temps. Il était très intelligent, il comprenait ce que je voulais. C’est aussi pour ça que ça a bien marché. »
Des effectifs multinationaux
« Les clubs peuvent posséder 5 joueurs étrangers, dont 4 qui jouent. S’ils en ont plus, ils les laissent sur le côté, ce n’est pas un problème pour eux. Il y a de bons joueurs et il y en d’autres sur le déclin. Certains clubs sont plus attirés par les noms que par les performances. Mais de manière générale, ils rehaussent le niveau du championnat. Pour moi, le champion de Chine (Guangzhou Evergrande, ndlr) serait derrière le PSG ici. Ce n’est pas une petite équipe ! Ils sont champions d’Asie et ont disputé la demi-finale de la coupe des clubs champions face au Barça. Il ne faut pas sous-estimer le niveau du football chinois. Le niveau de l’équipe nationale est aussi en pleine progression. En France, les gens parlent beaucoup, ils se moquent, mais sont-ils seulement allés voir un match en Chine ? J’ai dirigé une quarantaine de matchs depuis le banc de touche, je peux vous dire que c’est costaud. Quand on connaît un peu le foot, on se moque moins. Il y a beaucoup d’intensité, ils ne calculent pas. Il y a de bons joueurs chinois, renforcés par quelques joueurs étrangers. C’est vraiment intéressant comme football et je parle aussi en termes de performances ».
« J’invite les présidents de clubs à regarder mon CV. Parce qu’il n’est pas si mal que ça. »
Un groupe sérieux et rigoureux
« J’avais Stoppila Sunzu derrière, que vous connaissez bien désormais à Lille. J’avais un attaquant brésilien, qui est parti par la suite, un joueur colombien, et aussi Tim Cahill, l’Australien. Ensuite, Demba Ba nous a rejoints en juillet, tout comme Papadopoulos et Momo Sissokho. Avec deux joueurs francophones, c’était déjà plus simple. Ce sont deux mecs bien, qui sont venus compléter un effectif de bons professionnels, sérieux et rigoureux. Cette aventure m’a réconcilié avec le football. J’ai trouvé un respect et un investissement que je ne trouvais plus en France. Je n’ai jamais vu un joueur arriver en retard, pas une seule fois. Je suis peut-être vieux-jeu mais quand tu as 4 ou 5 joueurs qui arrivent en retard à l’entraînement, ça ne me fait pas rire du tout. Donc non, je n’ai pas la banane quand je vois de tels comportements ».
Et maintenant?
« Je serais bien resté une deuxième année mais c’était devenu compliqué avec la famille. Ma femme a dû rentrer en France pour consulter et j’étais seul à l’hôtel. Je ne me voyais pas rempiler dans ces conditions. Mais les dirigeants en voulaient pas me laisser partir ! J’ai eu droit à une réception de départ très émouvante, j’en garde un excellent souvenir. Maintenant ? J’attends les opportunités. Je suis en forme, je me sens bien. J’invite les présidents de clubs à regarder mon CV. Parce qu’il n’est pas si mal que ça. Maintenant, il faut vraiment se pencher sur le parcours de l’entraîneur. Quand je vois certains choix, je me pose des questions »
Agentfootball.fr remercie sincèrement Francis Gillot pour sa disponibilité et sa bonne humeur. Nous lui souhaitons bonne continuation et espérons le recroiser bientôt sur les terrains de Ligue 1.