Elle a le sport dans le sang. Un besoin d’adrénaline quotidien. Malgré son passé de volleyeuse à Riom, près de Clermont Ferrand, Sonia Souid aurait pu rester éloignée du monde du sport : en 2003, elle est élue Miss Auvergne 2003. Pas de quoi changer sa destinée. L’aimant est trop fort. Fine négociatrice après avoir travaillé dans l’immobilier de luxe, Sonia fonce vers le métier d’agent. Elle obtient la licence en 2010. La suite, elle vous la raconte.
Thibaud Vézirian. Vous êtes entrée dans le monde du football sans vraiment le connaître. Et vous étiez alors la seule femme à obtenir la licence d’agent en 2010. Comment on intègre ce milieu ? Sur la pointe des pieds ?
Sonia Souid. La licence, c’est un bout de plastique… (rires) Le plus dur commence ! Comment faire pour apprendre le métier ? J’ai contacté les meilleurs agents et je leur ai demandé d’être une sorte de stagiaire, une super assistante. Je connaissais le métier de façon théorique, il me fallait l’expérience du terrain… Là, arrivent mes premiers revers ! Voilà la réponse d’un agent : « Imaginons que je vous envoie chez un joueur, comment pourrait le prendre sa femme ? » Heureusement, j’ai de la répartie !
Vous débarquez donc dans un milieu très fermé, encore plus envers les femmes… Quand le Président de la FFF, Noël Le Graët, déclare récemment que les joueuses « peuvent se tirer les cheveux, ça m’est égal » tant qu’elles gagnent, ça vous inspire quoi ?
S.S. Était-ce nécessaire ? Non. Je pense qu’il aurait pu dire exactement la même chose d’une autre façon. Le Président du comité d’organisation des JO de Tokyo a, lui, démissionné pour des propos sexistes. C’est dommage pour Noël Le Graët car ses propos gâchent le travail qu’il a vraiment réalisé pour aider le football féminin ces dernières années. Le nombre de licenciées à augmenter, la Coupe du monde en France a été globalement un succès, etc. Cette sortie inutile, évidemment que ça choque. Comme la sortie médiatique de Claude Michy (NLDR : ex-président du Clermont Foot) à mon sujet en janvier. Je suis l’agent qui lui présente Ahmet Schaefer, la personne qui lui rachète son club et qui l’amène actuellement proche d’une montée en L1. Et Claude Michy déclare que « Sonia Souid a beaucoup de charme, mais c’est une femme, elles veulent montrer qu’elles savent faire » ! Pourquoi ce genre de cliché ? C’est scandaleux.
« J’ai eu la chair de poule quand j’ai vu Stéphanie Frappart arbitrer en Ligue des Champions. »
En France, malgré vos rendez-vous avec des Présidents de L1 et L2, vous avez vite compris que c’était fermé pour vous. Vous vous dirigez donc vers les Émirats Arabes Unis. Pourquoi ce choix ?
S.S. Mon père travaillait là-bas, dans le milieu du sport. C’est plus petit que la France, on prend sa voiture et on peut vite faire le tour de tous les clubs professionnels. J’allais voir des dirigeants à l’improviste, ils me recevaient. Même les princes ! Au culot, j’allais me présenter en tant qu’agent sportif. Et je me renseignais pour connaître leurs besoins. Le premier joueur que je signe, Ismaïl Matar, le « Zidane du Moyen Orient » à l’époque, n’avait pas d’agent pour négocier ses contrats. Ce n’était pas commun là-bas. Donc j’ai démarré comme ça.
Forte de ces premières expériences, vous revenez donc en France…
S.S. Quoi de mieux que d’essayer de promouvoir le football émirati en France ? J’ai donc proposé à plusieurs Présidents de clubs de les emmener là-bas pour les mettre en relation. Jean-Michel Aulas et Rémi Garde, alors directeur du centre de formation de l’OL, m’ont accompagné. Ça a intrigué les médias, Canal+ nous avait suivi. On est à une époque où les Qataris ne sont pas encore au PSG. Tout ça m’a donné encore plus confiance et de crédibilité.
« Il est de plus en plus rare qu’un joueur choisisse un seul et même agent toute sa carrière »
Vous travaillez au sein de la structure CSM. Quelle est votre façon de fonctionner ?
S.S. CSM, c’est le 4e groupe mondial dans le domaine du sport. Il y a 25 bureaux un peu partout dans le monde. Depuis Paris, nous sommes 3, très complémentaires. Nous gérons le management d’athlètes dans le football. Sauf que le football est aujourd’hui pratiqué partout dans le monde. Il a donc fallu tisser notre toile partout. Il n’y a pas de sous-marchés. Donc on a des partenaires forts, en qui nous avons pleine confiance, dans le monde entier. Il est très difficile d’avoir une projection sur plusieurs années, avec une vraie stratégie pour l’ensemble de la carrière d’un joueur. Car il est de plus en plus rare qu’un joueur choisisse un seul et même agent toute sa carrière. En revanche, quand un agent effectue du bon travail pour un club, il peut tisser une relation de confiance pour plusieurs années. Donc on est souvent mandaté par des clubs pour répondre à leurs besoins.
Vous avez des activités très diversifiées…
S.S. On travaille sur 4 créneaux : Les joueurs à fort potentiel, comme Kevin Cabral à Valenciennes. Le football féminin de très haut niveau, avec plusieurs internationales. Les clubs, afin d’être une sorte de prolongement de leur cellule de recrutement ou de les aider à vendre. Et enfin, 4e créneau : Le fait de connaître des gens fortunés nous permet de travailler sur des ventes de clubs professionnels. Comme récemment en première division portugaise et en L2 française.
Vous avez sûrement été le premier agent FFF à vous intéresser au football féminin. C’était une sorte de devoir ?
S.S. En 2010, quand j’ai commencé, il n’y avait pas vraiment besoin d’agent dans le football féminin. (rires) Les filles gagnaient très peu, on leur remboursait leur carburant, pas plus… En 10 ans, ça a très très bien évolué. Il y a désormais un vrai intérêt de représenter les meilleures joueuses, comme Amandine Henry ou Delphine Cascarino. Elles perçoivent ce que gagnent des joueurs de Ligue 2 ou même de Ligue 1. Je collabore aujourd’hui avec 5 ou 6 joueuses de l’Équipe de France. Mais aussi 2 entraîneurs emblématiques : Patrice Lair et Gérard Prêcheur, multiple vainqueur de la Ligue des Champions. Mais pour moi, il n’y a pas de différences entre football masculin et féminin. C’est pour ça qu’en 2014, j’ai poussé Claude Michy à prendre une femme en tant que coach du Clermont Foot. Helena Costa a démissionné puis Corine Diacre est arrivée. Le plus important, c’est la compétence. J’espère qu’un jour, une femme entraînera en Ligue 1. Et ça arrivera d’ailleurs.
Quand vous donnez l’idée à Claude Michy de prendre une femme pour remplacer Régis Brouard au Clermont Foot, on vous a prise pour une folle ?
S.S. J’avais demandé quelques conseils avant de soumettre cette idée. Noël Le Graët m’a répondu que c’était impossible ! Attention, je me mets à sa place. En 2014, mon propre père m’avait dit aussi que c’était impossible. Et que j’allais me décrédibiliser… Je comprends. Qui aurait pensé que c’était possible ? La preuve, plus de 100 journalistes du monde entier se déplacent à Clermont Ferrand le jour de la conférence de presse. Aujourd’hui, sincèrement, tout est possible pour une femme compétente. J’ai eu la chair de poule quand j’ai vu Stéphanie Frappart arbitrer en Ligue des Champions. C’était magnifique !
Quelle est la principale qualité d’un agent ?
S.S. Comprendre les timings en est une. Savoir temporiser aussi. Avoir réponse à toutes les questions des joueurs en est une autre. Souvent, les joueurs veulent être sécurisés. Imaginons un joueur en fin de contrat ou un autre qui souhaite être vendu absolument : Le problème, c’est qu’il faut savoir gérer les timings. Il ne faut pas forcément foncer sur la première option. Ce n’est pas toujours la bonne. Les joueurs, eux, avec leur famille, leurs doutes, aiment connaître leur avenir assez vite. Il faut savoir prendre son temps, réfléchir, peser le pour et le contre, souffler un bon coup. Pour choisir la meilleure option possible à l’instant T. Option qui sera différente pour un joueur de 23 ans et pour un joueur de 32 ans. Notre rôle est donc de prendre toute la pression qui pèse sur les épaules de nos clients afin qu’ils jouent dans les meilleures conditions… Ça peut faire beaucoup de pression si on multiplie par le nombre de clients ! (rires)
Zone technique
Sonia Souid
Né le 19 juin 1985, à Clermont Ferrand
Directrice football de l’agence CSM Sport & Entertainment
Agent FFF depuis 2010
Geste technique préféré : Le retourné acrobatique !
Idoles de jeunesse : J’ai joué au volley… Donc Victoria Rava. Et évidemment Zizou en football.
Ton matchs marquants : Quand le Clermont Foot a éliminé le PSG en Coupe de France, je me souviens de la ferveur folle au stade Gabriel Montpied ! Face au grand PSG de Raï, en mars 1997. Et la finale de Ligue des Champions féminine 2017, à Cardiff entre le PSG et Lyon. J’étais l’agent des 2 entraîneurs…
Thibaud Vézirian. Rédacteur en chef.
Journaliste, présentateur, chroniqueur et producteur… Vous pouvez me retrouver sur La Chaine L’Équipe, CNews et sur ma chaine YouTube T.V. Sport.