« Le filou du foot vide son sac »… Dans son livre, « Pro à tout prix », Grégoire Akcelrod dévoile sa vie, son parcours, sa vérité. Connu comme le « Rocancourt du football » , il était capable de tout pour devenir professionnel. Même romancer son CV et laisser penser qu’il avait évolué au Paris-Saint Germain. Désormais agent en Angleterre, il nous partage ses idées, ses doutes, ses réussites. Non, le CV ne fait pas tout…
Thibaud Vézirian. Vous qui rêviez de devenir footballeur, comment êtes-vous finalement devenu agent en Angleterre ?
Grégoire Akcelrod. J’ai joué dans 19 pays sur 5 continents, j’ai voyagé pour essayer à tout prix de vivre de ma passion et trouver un contrat pro. J’ai donc rencontré énormément d’agents, avec beaucoup de déceptions. Pour moi, 95% des agents, malheureusement, ne font que du baratin. Et un jour, mon ancien entraîneur au Racing m’a proposé de venir voir jouer un jeune à Compiègne. Il savait que j’avais été professionnel au Canada et il voulait que j’aide ce garçon de 15 ans. Je suis allé le voir par sympathie, je n’attendais rien, j’ai découvert un phénomène ! Je l’ai amené à Liverpool, à l’essai. Le fait d’amener ce jeune là-bas, ça a été tellement énorme pour tous ses amis que tout le monde a voulu que je sois leur agent. Il est parti à l’essai à Liverpool et à cause d’un problème de passeport de son entraîneur, c’est finalement moi qui l’ai accompagné. L’histoire a commencé comme ça. Je me suis lié au joueur et je n’ai pas voulu l’abandonner en cours de route.
Vous travaillez donc régulièrement en Angleterre, pourquoi pas en France ? Vous n’avez pas voulu passer la licence ?
G.A. J’ai un bon partenaire français en qui j’ai confiance, qui est honnête, Cédric Collin. Je préfère partager.
Vous êtes connu pour avoir bluffé afin de tenter de devenir footballeur professionnel, vous avez trahi la confiance de certains… Cette image négative n’est-elle pas un obstacle dans une carrière d’agent ?
M.C. Tout le monde m’a déconseillé d’être agent ! Parce qu’on m’avait beaucoup critiqué. Attention, je n’ai rien volé, à l’époque je voulais juste qu’on me mette sur le terrain pour un essai. C’est tout. Finalement, les joueurs adorent mon parcours ! Je ne peux pas trop l’expliqué mais sincèrement, ils se disent que ce que j’ai fait pour moi, je pourrais le faire pour eux. Que je ne lâcherais jamais rien. Même moi, au début, je me cachais un peu… Finalement, non ! Et puis, j’ai fait mes preuves : j’ai amené une vingtaine de jeunes à Manchester City, Liverpool, Aston Villa. La facilité c’est de faire un transfert de Marseille à Monaco, tout le monde peut le faire. J’ai adoré prendre des jeunes de petits clubs pour les emmener dans des grands clubs anglais. Mais j’ai aussi fait signer Bakary Koné, l’ancien lyonnais, en Inde, ou Eric Bauthéac à Chypre, etc. J’ai des mandats de grands clubs et des deals un peu partout dans le monde.
Vous avez donc notamment réussi à faire signer un jeune amateur de l’ACBB (Boulogne Billancourt) en professionnel à Aston Villa ?
G.A. Y’a pas que le CV dans la vie ! Johan Abdoul était remplaçant en U17 en DSR (NDLR : ex-Régional 3) à Boulogne Billancourt. Et il a signé 2 ans en professionnel à Aston Villa. Avec son CV, il n’aurait jamais eu d’essai. Parfois, il faut laisser les joueurs s’exprimer. Je voudrais qu’on change les mentalités. Surtout en France. Je ne m’arrête donc jamais au CV. Chez nous, il faut avoir fait l’ENA pour faire de la politique. Pourquoi ?
« Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas de reconnaissance »
Dans votre livre, vous racontez vos déboires avec votre père, qui refuse catégoriquement que vous jouiez au football. Est-ce une forme de revanche pour vous ?
G.A. Je voulais réussir en tant que joueur pour prouver à mon père qu’il avait tort sur moi, ça c’est vrai. J’en ai tellement bavé, reçu de sales coups… Alors en tant qu’agent, je veux juste aider. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. J’avais emmené un jeune dans un des meilleurs clubs du monde, il n’a pas signé et son frère m’a menacé. Selon lui, c’était de ma faute ! Désolé, je ne peux pas faire plus. S’il n’est pas assez bon ce jour-là, il ne signe pas… Même si tu fais des choses exceptionnelles, les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas de reconnaissance, ils oublient très vite.
Le manque de reconnaissance, c’est le problème du football moderne ?
G.A. Ils oublient très rapidement. Avec les coachs, tout se passe super bien. Je suis agent de plusieurs coachs et on a beaucoup de valeurs communes. Les jeunes, c’est plus dur. Il suffit qu’un jeune croise un serveur du McDo qui lui dit que son cousin, c’est Guardiola, et qu’il va l’emmener à Manchester City… Et ce jeune ne te calcule plus ! Ils sont un peu trop naïfs… Ils ont tendance à croire le premier venu. Alors que tu as prouvé dans le passé ce dont tu es capable.
Il existe des différences entre la France et l’Angleterre ?
G.A. Énormément de différences. Il y a en Angleterre un énorme respect des jeunes joueurs, ce qu’il n’y a pas en France. Par exemple, là-bas, ils jouent une fois par saison dans le stade principal. C’est un détail, une attention, du respect qui fait vraiment la différence. Nous, en France, on a énormément de talents mais on met nos jeunes dans des centres de formation, enfermés dès l’âge de 13 ans. Ils quittent leur maison trop tôt. Laissez les jeunes grandir dans leur environnement. À 16 ans, t’es presque un homme, pas à 13 ans. Avant, tu es perdu.
« Pas de cadeau dans le foot pro »
Un bon agent est un gage de réussite pour un joueur ?
G.A. Quand tu es joueur, tu dois faire des choix. Il faut trouver l’agent qui te correspond et le garder. C’est un choix ultra important ! C’est trop sous-estimé par les joueurs. Certains se disent qu’ils sont bien à Aston Villa et qu’ils vont y rester toute leur vie. Mais une carrière passe très vite. Si t’as pas le bon agent, tu peux sauter très vite et retourner en amateur aussitôt. Il n’y a pas de cadeau dans le foot pro. C’est très difficile de réussir. En centre de formation, 99% des jeunes pensent devenir pro, c’est l’inverse à l’arrivée.
« Quasiment plus de transferts payants »
Avec la crise Covid-19, vous observez une mutation du monde du football ?
G.A. On sent bien que c’est la crise, les clubs veulent se séparer de leurs joueurs, il n’y a quasiment plus de transferts payants. Une fois qu’on a fait ce constat, on se dit que c’est la fin d’un monde dans le football français. Il faut se dire les choses. Il y a des salaires complètement fous. Même moi, j’ai négocié avec des clubs français des salaires de dizaines de milliers d’euros pour un jeune qui n’a jamais joué en Ligue 1, qui n’a jamais prouvé. On a donné des salaires trop importants à beaucoup trop de joueurs. Tant mieux pour le joueur moyen, mais ce n’est pas lui qui fait vivre le football, ce sont les grands joueurs qui le font. Et il n’y en a pas assez…
« 4 ans avec un joueur, c’est déjà beaucoup »
Durer aux côtés d’un joueur est devenu difficile pour un agent ?
G.A. J’ai été l’agent d’Aurélien Tchouaméni, qui a signé à Monaco pour 20M d’euros et qui brille là-bas aujourd’hui. Pendant 4 années, de 15 ans à 19 ans, une super aventure humaine. Ça s’est arrêté, c’est normal, un cycle s’est terminé. Ça va avec notre époque. 4 ans, c’est déjà beaucoup avec un joueur. C’est comme les entraîneurs, ils savent désormais que si ils font 1 ou 2 ans dans un club, c’est bien. Quand tu es agent, tu donnes ton maximum mais il existe un vrai problème pour s’inscrire dans l’avenir.
Trouvez-vous des parades pour conserver vos joueurs ?
G.A. Il faut profiter, faire le maximum. Mais oui, ils sont sur-sollicités constamment ! J’ai une tendance à dire la vérité à mes joueurs. S’il n’est pas bon, il n’est pas bon et je lui dis. Je lui explique ce qu’il faut changer : je veux en faire un champion. Je ne veux pas qu’il sorte en boîte, qu’il mange sainement, etc. Sauf que tu es le seul à lui tenir ces paroles, à le critiquer. Tout le monde lui dit qu’il est le meilleur, qu’il doit aller au Barça… Je persiste à dire qu’il faut être franc, honnête, lucide, ça aidera le joueur.
Qu’est-ce que vous conseilleriez à un jeune agent de joueur ?
G.A. Même un agent qui n’a pas de réseau, il peut trouver beaucoup d’opportunités avec de jeunes joueurs. Et c’est vraiment les plus belles aventures. Prendre un jeune à bas niveau et l’emmener tout en haut. Évidemment, il ne faut pas penser à l’aspect financier : Avec les mineurs, je n’ai jamais pris d’argent. Quand on le voit arriver ensuite en réserve puis avec les pros, c’est inoubliable comme sentiment. Des grands moments. Mais avec tout l’argent qu’il y a en jeu, les têtes tournent.
Zone technique
Grégoire Akcelrod
Né le 17 septembre 1982, à Saint Germain-en-Laye
Auteur de « Pro à Tout Prix » (éditions L’Archipel) et agent en Angleterre
Geste technique préféré : L’aile de pigeon !
Idoles de jeunesse : Ronaldinho m’a le plus marqué et sincèrement, j’étais content de payé ma place pour le voir jouer. Je savais qu’il allait se passe quelque chose à chaque match.
Ton match préféré : Pas original… La finale France-Brésil en 98, j’étais en famille, j’étais jeune. Il y avait une telle effervescence, tout le monde était à fond, ça m’a émerveillé.
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Thibaud Vézirian. Rédacteur en chef.
Journaliste, présentateur, chroniqueur et producteur… Vous pouvez me retrouver sur La Chaine L’Équipe, CNews et sur ma chaine YouTube T.V. Sport.