Voilà un agent qui ne perd pas de temps. Tout juste détenteur de la licence d’agent de joueur, Mikel-Ange Ehueni réalise déjà des deals avec les plus grands clubs. Épaulé par de grands noms du football comme Thierry Henry, Patrice Evra ou Cesc Fabegras, Mikel-Ange se confie à AgentFootball.fr sur ses débuts réussis.
Thibaud Vézirian. Vous venez de réaliser le transfert du jeune français Willy Kambwala à Manchester United. Il a signé son premier contrat professionnel. C’était un moment particulier ?
Mikel-Ange Ehueni. Un moment marquant pour tout le monde. Le transfert entre Sochaux et Manchester s’est bien déroulé. C’est un jeune international de 16 ans, avec un environnement familial top, une super éducation. Avec sa famille, ils m’ont fait confiance. Un bon feeling et voilà ! Malgré les sollicitations d’énormément d’agents et de grosses sociétés, on a travaillé ensemble. Il est là-bas pour plusieurs années. À lui d’atteindre l’équipe première.
« Je voyais des contrats sur le terrain, plutôt que les joueurs ! »
T.V. Vous êtes né en Côte d’Ivoire, vous êtes arrivé à l’âge de 7 ans en France… Et vous êtes désormais agent licencié. Vous vouliez devenir agent depuis tout petit ?
M-A.E. J’ai toujours un peu joué au foot mais j’ai fait aussi pas mal d’autres sports… Ma mère ne voulait pas que je me concentre trop là-dessus. Alors plus tard, j’ai fait des études de droit. Ça m’a aidé à voir les choses différemment. Plutôt que de regarder les matchs de façon classique, je me suis vite demandé comment ça se passait en coulisses, les contrats, etc. Je suis quelqu’un de très curieux, j’essayais de comprendre chaque chose… Mais je me suis dit de finir d’abord mes études, car le métier d’agent est plein d’incertitudes. Après mon Master 2 en droit des affaires internationales, j’ai un peu bossé en tant que juriste, mais je savais que je ne voulais pas faire ça sur le long terme. Dès que je regardais un match de foot, je ne me souciais plus trop de ce qui se passait sur le terrain. Je voyais des contrats sur le terrain, plutôt que les joueurs ! (il rit) Quels sponsorings ? Quel agent avec quel joueur ? Etc. J’imaginais tout ce qui se passait derrière le match. Donc je me suis dit : on va se lancer !
C’est là que vous intégrez l’EAJF (École des Agents de Joueurs de Football) ?
M-A.E. Comme j’avais déjà un background juridique et une bonne méthode de travail, je ne partais de zéro…
L’année à l’EAJF m’a permis développer mon réseau avec mes camarades de promotion mais aussi les intervenants, point très important dans ce métier. L’examen d’agent sportif est difficile, ce qui ne m’a pas empêché d’obtenir la licence du premier coup. Mes études, et la méthodologie que j’ai acquise grâce à mon parcours, m’ont beaucoup aidé. Après, c’est de l’assiduité, du travail, de la détermination. Mais il n’y a rien eu de simple ! Pas simple du tout même.
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« Nul n’est jamais prophète en son pays »
Certains agents démarrent parfois avec un mentor, un petit réseau dans le milieu footballistique. Vous, vous n’aviez personne ?
M-A.E. J’ai démarré sans personne… Avec ma **** et mon couteau ! (il rit) J’ai appris sur le tas, j’ai fait énormément de bords de terrain, à aller voir des très petits, U13. J’ai commencé aux fondations, pour mieux comprendre. Notamment dans la région de Tours, où je vivais… Mais nul n’est jamais prophète en son pays. J’étais un peu persona non grata parce que dans le football, les portes sont souvent fermées. Je n’avais pourtant rien fait de mal. Dans le foot, on ne te laisse pas entrer comme ça ! Du coup, je suis parti en région parisienne… C’est la jungle ! Mais c’est très formateur. Tu apprends beaucoup de choses, le culot notamment…
« De la persévérance avant tout »
Comment on accroche des jeunes footballeurs quand on débute soi-même dans le métier d’agent ?
M-A.E. Honnêtement, je ne me prends pas pour ce que je ne suis pas. Je passais aux bords des terrains, je regardais, je parlais aux gens, un peu au culot. Il en faut dans ce milieu. Parfois c’était des recruteurs de clubs, donc, en toute humilité, j’apprenais en les questionnant. Parfois c’était des parents de joueurs. Je leur expliquais juste qu’à titre informatif, je souhaitais suivre leur enfant, m’informer. Je tâtais le terrain. On apprenait ensemble à grandir dans ce milieu. Puis j’ai mis un point d’honneur à rencontrer les clubs, de visu. Donc j’ai réalisé un petit tour de France, une multitude de rendez-vous. Rien n’est acquis, c’est de la persévérance avant tout.
Deux ans seulement après l’obtention de votre licence d’agent de joueur, vous en vivez déjà. C’est rare. C’est dû à quoi ?
M-A.E. Je suis en avance par rapport à ce que je prévoyais. Je m’étais dit que je ferai un bilan au bout de 3 ans. Où est-ce que j’en suis ? Est-ce que ça vaut le coup de continuer ? Aujourd’hui, en 2 ans, j’ai atteint un niveau de développement que je comptais atteindre en 4-5 ans. C’est bien ! Ça a été de la persévérance et de la confiance. L’idée n’est pas d’avoir une usine de joueurs, je veux rester en contact permanent avec eux. Je suis très disponible pour mes joueurs, parfois ils me demandent même si je dors ! Une dizaine de joueurs, c’est bien. Il faut s’inscrire dans un projet commun. Ne pas leur mettre une pression inutile, tout doit rester sain. Peu importe le milieu d’où ils viennent…
« Ne pas en faire des assistés, comme le font trop d’agents et d’agences »
Comment vous choisissez les joueurs avec qui vous travaillez ?
M-A.E. J’ai une façon particulière de choisir mes joueurs : je ne vais pas forcément aller vers celui dont tout le monde parle. J’étudie beaucoup l’environnement familial, la mentalité du joueur et de l’entourage, etc. On se retrouve à cibler très peu de joueurs. Je ne veux pas d’oncles qui débarquent de je ne sais où, de gens intéressés, d’autres qui veulent toucher de l’argent… Quand on est transparent avec les gens, il n’y a pas de problème. La crédibilité est hyper importante dans ce milieu. C’est un petit monde, tout se sait. On surveille l’école également. Le football, ça va vite. Il ne faut pas négliger ces paramètres-là. Dans notre accompagnement, on essaye d’en faire des hommes. Un footballeur, quand il sort de centre de formation, il sort d’un monde assez spécial. On ne veut pas en faire des assistés, comme le font trop d’agents et d’agences. Il ne faut pas tout faire pour le joueur… Après, à 30 ans, il ne sait rien faire de sa vie. On veut vraiment leur inculquer une mentalité, une éthique de travail. Le football, c’est beaucoup de mental.
« Interdit de leur faire croire que je suis un magicien ! »
Vous vous êtes rapproché d’une société qui représente des stars comme Henry, Evra ou Fabregas. À quoi ça vous sert ?
M-A.E. Je m’occupe des liens avec les clubs français pour une structure anglaise, qui possède un gros réseau. Tout s’est fait naturellement. De fil en aiguille, je me suis retrouvé à rencontrer Thierry Henry, Patrice Evra, etc. À avoir un bon feeling… Je suis quelqu’un de naturel, ils ont aimé la façon dont je vois le métier. J’ai une certaine proximité avec les jeunes joueurs dont on s’occupe. Et je fais preuve de beaucoup de transparence. Je ne suis pas là pour leur lécher les bottes. Et interdit de leur faire croire que je suis un magicien ! On met beaucoup l’accent sur le travail personnel des joueurs. Ça peut paraître bateau, mais c’est le joueur qui fait l’agent. À partir du moment où vous êtes fidèle, transparent, que vous travaillez bien, que vous savez vous comporter correctement, alors c’est au joueur de faire le reste sur le terrain. Mais il n’y a rien qui tombe du ciel ! Rien ne se fait en dernière minute avec moi, c’est du travail sur le long terme.
T.V. Pour finir, un petit conseil à donner aux jeunes agents ?
M-A.E. Signez vos joueurs ! Ne pensez pas que les choses sont acquises… Dans le football, tout va trop vite. Sécurisez vos dossiers. La confiance, c’est bien, mais il faut qu’elle se matérialise. Si une signature pose problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment de confiance ensemble.
Zone technique
Mikel-Ange Ehueni
Né le 10 juillet 1994, à Abidjan (Côte d’Ivoire)
Agent licencié depuis mars 2018
Geste technique préféré : La première touche de balle ! C’est ce que je regarde en premier.
Idoles de jeunesse : Je suis assez partagé… Ronaldo R9 et Ronaldinho !
Ton match préféré : La finale de Ligue des Champions 2005 entre Milan et Liverpool, le retournement de situation d’Istanbul. Je regardais avec mes cousins, c’était fort !
Thibaud Vézirian. Rédacteur en chef.
Journaliste, présentateur, chroniqueur et producteur… Vous pouvez me retrouver sur La Chaine L’Équipe, CNews et sur ma chaine YouTube T.V. Sport.